Rencontre Nocturne

L’air froid hivernal me donnait la chair de poule. J’avais pourtant un manteau. La lune blafarde éclairait la rue dans laquelle je marchait à pas feutrés. Dans un des bâtiments, au rez-de-chaussé, il y avait un bar, vers lequel je me dirigeais. Je n’aime pas aller à ce bar mal famé, des clochards et des pervers y viennent tout les soirs. Vous devez vous dire, Swallow n’est pas une ville fréquentable pour une jeune fille de dix-huit ans, comme moi. Mais je suis différente. Un esprit démoniaque me possède. Je m’en suis rendue compte il y a deux ans. C’est un calvaire. Je tue sans le vouloir. Mais lorsqu’il m’habite, me contrôle, c’est plus fort que moi. J’ai un désir de briser et déchirer des âmes plus fort que tout.

Je m’avançais vers la lumière tamisée du bar. Ce soir, j’avais envie de whisky. Je ne boit pas de whisky, mais là, c’est un coup de folie. De toute façon, la folie chez moi, c’est pas nouveau. Swallow est plutôt une ville qui me convient. Pleins de gens étranges la côtoie, et cela ne me gêne pas. Même si le coin grouille de vampires, je ne risque pas de me faire sucer le sang : je suis un démon. Quand Despair m’habite, croyez-moi, on a plus trop envie de s’approcher. Lorsque j’était gamine, à l’orphelinat, les enfants ne voulaient plus m’approcher. J’était solitaire. On croyait que j’était folle.

La clochette a tintée lorsque je suis entrée dans le bar miteux. Je suis allée au comptoir, me suis assise. J’ignorais tous les regards de ces hommes dégueulasses. J’ai commandé un whisky. L’alcool a enflammé ma gorge, mais a effacé toutes mes pensées. Je ne pensais plus à rien. J’en ai recommandé un, puis un autre. Au quatrième, je suis sortie dehors. Je me suis assise sur un banc, à la lumière d’un lampadaire crasseux. Je hoquetais comme pas deux, on aurait dit que j’avais avalée du savon. Soudain, un buisson a frémit. Un renard a surgi, sa fourrure rousse brillante à la lumière aveuglante.

Un renard à Swallow ? Bizarre... Ce n’était pas normal. J’ai dit bêtement au renard :

« Dis, tu parles, ou pas ? A mon avis t’est un renard donc...»

Mais soudain, le renard devint une jeune fille rousse, avec des vêtements simples, aux yeux bleus.

La nuit était tombée depuis longtemps, et la température aussi. Je voyais devant moi les volutes de fumées que faisait mon souffle qui sortait de ma truffe brune et s'évaporait vers le ciel noir sans étoiles... Une nuit sombre de plus... Et un ventre encore affamé. J'avais passé toute la nuit à fouiller les poubelles, à parcourir la ville de haut en large et en travers, osant même reprendre ma forme normale pour passer certains lieux, mais j'avais à peine trouvé de quoi me rassasier... Le jour ne se lèverait que dans deux ou trois heures sûrement... Que faire ?... Je devais avoir deux ou trois pièces sur moi, me payer un verre dans un de ces bars mal famés de la ville... Je n'avais juste pas envie de me faire attraper par un loup-garou un vampire, et finir à demie vidée de mon sang... J'ai beau être aussi une Métamorphosis, je dois être l'une des plus vulnérables...
Être renard dans cet ville est pratique, mais peu prudent... M'enfin, j'avais abandonné toute sécurité depuis longtemps.
Au bout d'une ruelle, une lumière tamisée attira mon attention. Un bar... J'y vais ?
Je m'avançais en trottinant, et sursautai brusquement. Une jeune fille sortit, faisant tinter des clochettes accrochées à la porte, et la laissa claquer sèchement. Bourrée, on venait prendre l'air ? Je ne bougeais plus, mais j'étais pratiquement sûre qu'elle m'avait vu, étant aux trois quarts dans la lumière...

« Dis, tu parles, ou pas ? A mon avis t’est un renard donc...»

Comment ?... Depuis quand les gens adressent la parole à un renard ?! Surtout qu'elle doit pas se douter de ma nature... Qu'est-ce que je fais, alors ?

- Figure-toi que oui, je parle ~

Waaah, super l'entrée en scène !!... Ma silhouette avait trembloté puis s'était soudain élargie pour sculpter les formes d'une rouquine aux yeux bleus de taille moyenne, vêtue simplement d'un pull blanc sale, presque gris et d'un jeans bleu très foncé déchiré à certains endroits... La tenue passe-partout. Je lui souris.

- Qu'est-ce que tu fais dehors à hoqueter comme ça ?

Le renard, ou plutôt la jeune fille, me regardait attentivement.

- Figure-toi que oui, je parle ~

- Qu'est-ce que tu fais dehors à hoqueter comme ça ?

Quand à moi, les effets de l'alcool s'étaient estompés. Je fixai la jeune fille d'un regard intense. Je humais l'air. Je sentais don sang qui coulait. Elle n'était pas vampire, ni démon. Elle n'avait pas l'air d'une étrangère non plus. C'était une métamorphe. Je lui dis avec un sourire froid :

- Et toi, que fais tu dehors à une heure pareille ?

La jeune fille s'approcha de moi et s'assit sur le banc. Il ne fallait pas que l'on deviennent amies. J'allait la tuer, tôt ou tard. Quand Despair allait me posséder. Je ne voulais pas tuer d'autres personnes. Plus jamais.

-Tu ne devrais pas m'approcher, sauf si tu tiens à une mort lente et douloureuse.

Elle m'interrogea du regard. Je lui expliquais alors :

- Ne sens-tu pas mon aura démoniaque ? Ne sens-tu pas que mon esprit est possédé ? J'aimerais tellement avoir des amis de temps en temps, mais je suis vouée à la solitude. Je me repais des âmes de mes victimes. Tu es jeune, tu peut profiter de ta vie.


Je sortit un paquet de clopes, en tira une. Une bouffée de fumée s'échappa de mes lèvres écarlates.

Eelle me dévisagea attentivement, pas le moins du monde étonnée de me voir réapparaître en humaine. J'en déduis qu'elle est donc un monstre, parce qu'une humaine aurait déjà hurlé ou serait restée la bouche grande ouverte à bégayer un truc incompréhensible. Elle me sourit froidement :

- Et toi, que fais tu dehors à une heure pareille ?

Ho... Elle avait préféré esquiver ma question. Qu'elle ne s'attende pas que je lui réponde à mon tour. Je me glissai plutôt sur le banc à côté d'elle, croisant une jambe et la regardant.

- Tu ne devrais pas m'approcher, sauf si tu tiens à une mort lente et douloureuse.

Youhou, encore des menaces de mort !! En quel honneur cette fois ? Je lui lançais un regard interrogatif, et elle continua :

- Ne sens-tu pas mon aura démoniaque ? Ne sens-tu pas que mon esprit est possédé ? J'aimerais tellement avoir des amis de temps en temps, mais je suis vouée à la solitude. Je me repais des âmes de mes victimes. Tu es jeune, tu peux profiter de ta vie.

Ho... Un démon. Je n'en avais encore jamais rencontré, tiens ! Mais ce n'était pas ses avertissements qui allaient me ficher la frousse, loin de là. Il fallait limite que je sois au bord de la mort pour ça...
Elle sortit de sa poche un paquet de clope, l'alluma, élevant dans le ciel nocturne des bouffées de fumée grise... Je l'observais. A première vue, on n'aurait pas pu deviner sa nature démoniaque... En même temps, je ne suis pas la meilleure placée pour ça...

- Hm... C'est à dire que j'ai frôlé la mort pleins de fois, donc une fois de plus ou une fois de moins...

Hm... C'est à dire que j'ai frôlé la mort pleins de fois, donc une fois de plus ou une fois de moins...

Quelle hardiesse ! Mais je suis encore plus téméraire : J'ai osé défiée la mort. Je suis un démon, je ne peux pas mourir. Je suis condamnée à rester sur cette terre jusqu'à la fin de mes jours. Le seul moyen de me laisser mourir serait de détruire l'essence démoniaque qu'il y a en moi. Mais cela me tuerait sur le coup. Peut-être qu'au fond, mourir fait du bien. Au moins mourir dignement. Sans honte. Et avoir eu une belle vie. Il n'y a que ça que je ne pourrais jamais avoir. Avec un démon qui me colle aux fesses ? Impossible. Lorsqu'on est métamorphe, on est vulnérable, mais au moins on est en paix de mourir. Sans orgueil ni préjugés. Si mourir ne la dérangeais pas, discuter ne la tuerai pas. Avec un oeil malicieux, je lui répondis :

- La mort est une formalité désagréable, mais tous les candidats sont reçus. Je faisais une légère pause.

- Au fait, c'est quoi ton nom ?

A ce moment là, un sourire se dessina sur mon visage, peut-être un des seuls que j'ai esquissés de ma vie. Il éclairait mon visage diaphane comme une lumière. Divine.
Cette fille avait l'air tellement vulnérable, mais en même temps si forte et déterminée.
Je le sentait, une amitié nouvelle naissait entre le démon et la métamorphe. Une amitié qui allait défrayer la chronique. Comment deux âmes si opposés pouvaient s'entendre ? Mais à Swallow, tout est différent. Ame pure et âme démoniaque ensemble, qui jusque là, était une utopie fantomatique.